« N’est-ce pas magnifique un bureau où il y a des œuvres d’art? L’art rend plus beau, rend meilleur. L’art adoucit les mœurs. J’en vois les effets tous les jours. », souligne Julie Suzanne Doyon.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la passion de la femme d’affaires pour les arts visuels est bien réelle. Partout autour d’elle, à la maison et au bureau, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, des toiles et sculptures prennent place dans l’espace, en totale harmonie avec ce qui les entoure.
Attirée par l’art sous toutes ses formes, c’est au début de sa carrière d’avocate qu’elle a acquis ses premières œuvres d’art visuel dont une toile de Marie-Hélène Lapointe (Mahey) qui trône toujours en belle place dans son bureau. Confrontée aux obligations financières que rencontre toute jeune adulte au début de sa vie professionnelle et familiale, elle a néanmoins réussi à acquérir quelques œuvres, tout en respectant ses moyens financiers de l’époque : des reproductions, des sérigraphies, des petits formats.
Achetez ce que vous aimez
Sa rencontre il y a 18 ans avec son conjoint actuel, André Fortin, a décuplé cet intérêt. Leur passion commune pour l’art visuel s’est développée de concert. Ensemble, ils ont lu des ouvrages traitant d’art, fouiné chez les antiquaires, visité les galeries et les musées, discuté avec les artistes, se sont impliqués dans des organismes voués à la culture et au patrimoine. Et ils ont acheté, après s’être informés pour tenter de faire des choix judicieux. « Au début, on a commis certaines erreurs parce qu’on a acheté trop vite, qu’on a parfois laissé la passion nous guider sans prendre suffisamment de recul », confie-t-elle.
Quels conseils donne-t-elle aux gens qui voudraient acheter des œuvres d’art? « S’informer, ne pas acheter trop vite et ne pas se laisser convaincre par des modes passagères. Il faut fréquenter les milieux culturels, les musées, les artistes. Poser des questions. Mais ce n’est pas dramatique si vous vous trompez. Il n’y a pas de mauvaise voie dans l’art, achetez ce que vous aimez. »
Rendre sa noblesse à l’art identitaire et au patrimoine
Deux des axes de collection privilégiés par la femme d’affaires sont étroitement liés à l’identité québécoise : l’art populaire et les représentations artistiques du temps des sucres.
« L’intérêt pour tout ce qui a trait au temps des sucres vient de mon enfance, de mes racines beauceronnes. Mais au-delà de ça, c’est aussi un désir de préserver notre patrimoine, notre histoire, et de le mettre en valeur. Certains représentants du milieu des Beaux-Arts prenaient de haut ce type de peinture, surtout dans les années 1990. Étaient même utilisées parfois des expressions très péjoratives pour dénigrer le travail des artistes qui peignaient des scènes du temps des sucres, comme peintre de cabane à sucre. Je trouvais ça effrayant! Je n’arrivais pas à comprendre que l’on puisse avoir honte de représentations traditionnelles sur un thème sans doute le plus identitaire pour les Québécois. Pour redonner à ce type d’art, toutes ses lettres de noblesse, mon conjoint et moi avons commencé à collectionner des scènes diversifiées, de toutes les époques, sur le temps des sucres. Nous avons alors découvert que bon nombre de grands maitres s’y étaient intéressés, mais aussi que les artistes néocanadiens, comme Miyuki Tanobe, née au Japon, Littorio Del Signore, né en Italie, Juan Cristobal, né au Chili, Irina Kouznetsova, née en Russie, pour ne nommer que ceux-là, à toutes les époques, avaient conservé une véritable fascination pour ce thème et qu’ils n’avaient jamais cessé de peindre ce genre de scène dans leur carrière! Ils nous servent d’une certaine façon toute une leçon sur la préservation de notre identité. Collectionner l’art sous toutes ces formes en lien avec le temps des sucres, mais aussi les outils anciens pour la cueillette, la transformation et la commercialisation des produits de l’érable est une façon pour moi d’exprimer ma très grande fierté sur ce sujet. Il n’y a pas à avoir honte de notre histoire, de notre patrimoine, bref de ce que nous sommes. »
Pourquoi investir en arts visuels?
« S’entourer d’art demande des efforts, mais ça en vaut la peine. La culture n’est pas la priorité pour plusieurs, ce n’est pas non plus la première cause à laquelle les gens vont donner. Il y a trop peu de gens d’affaires qui s’y intéressent et c’est en donnant l’exemple qu’on peut contaminer les autres et en faire, comme nous, des ambassadeurs culturels. »
« En parler, le faire découvrir lors d’événements, l’accrocher avec fierté sur ses murs, l’offrir en cadeau, donner à des organismes à vocations culturelles et patrimoniales, voilà autant de façons de convaincre les gens d’investir en art et en culture. C’est par des gestes concrets et répétés, petits et grands, qu’on arrive à changer les choses », conclut-elle.